L’apparition du livre numérique est un progrès majeur pour permettre l’accès à la lecture, et donc souvent à la culture commune et au marché de l’emploi. En permettant l’enrichissement de textes par des béquilles cognitives, des formats d’accessibilité compatibles EPub 3 tels que FROG ont prouvé leur efficacité pour palier mais aussi réduire les troubles dyslexiques. Dans cet article, nous montrons comment l’Intelligence Artificielle, et en particulier le transfert d’apprentissage avec Google BERT, permet d’automatiser le découpage en unités de sens, et ainsi de faciliter la création de livre numériques enrichis pour un coût modéré.
Les origines de la dyslexie sont multiples et encore sujettes à débat. Deux théories dominent l’études des troubles dyslexiques : La théorie phonologique (association incorrecte des graphèmes et des phonèmes) et la théorie visuelle (trouble du traitement visuel en amont du déchiffrement).
Les béquilles cognitives portant sur les mots ont prouvé leur efficacité (Snowling, 2000) pour une revue). La question est ici de mesurer l’apport d’une segmentation en rhèse en complément.
La segmentation en rhèse a été étudiée par (Chilles Hélène, 2012). La compréhension de textes de Littérature ou de mathématique par 9 élèves de 12 ou 13 ans en situation de dyslexie était évaluée. La conclusion est que le découpage en rhèse permet d’alléger la mémoire de travail et semble faciliter le traitement de l’information contenu, y compris sur des énoncés de mathématiques.
(Labal & Le Ber, 2016) a comparé les apports d’un prompteur inversé avec une granularité au mot ou à la rhèse. La population étudiée était de 18 enfants dyslexiques entre 8 et 12 ans. Il apparait que l’échelle du mot est en moyenne la plus pertinente pour la performance de lecture (Taux d‘ erreurs observés lors d’une lecture à voix haute, vitesse de lecture). Par contre l’écart type sur les scores obtenus sur les segmentations en rhèses est bien plus important que celui sur les découpages en mots : Pour certains enfants, le découpage en rhèses est plus pertinent. Surtout, la granularité « rhèse » a été préférée par deux tiers des enfants. Il semble que le découpage en mots facilite la lecture orale davantage que la compréhension. Il apparait que les deux approches sont complémentaires et à favoriser en fonction de chaque lecteur. Le livre numérique répond bien à cette problématique dans la mesure où la granularité utilisée peut être laissée au choix du lecteur.
En plus de la segmentation visuelle, le découpage en rhèse autorise plusieurs béquilles cognitive au sein d’un livre numérique :
La bibliothèque open source SpaCy (Honnibal, 2015) inclue des modèles propose des modèles neuronaux convolutifs pour l’analyse syntaxique et la reconnaissance d’entités. Spacy permet d’analyser un texte en utilisant des modèles de prédiction sur les mots. Chaque modèle est spécifique à un langage et est entraîné sur un ensemble de données. Le modèle est pré-entraîné sur 34 langues.
De la sorte, SpaCy peut identifier entre autres la nature grammaticale d’un mot, ou les liens existant entre les mots d’une phrase. L’ensemble de ces informations peut être représenté par un arbre de dépendance grammaticale.
Le Rhezor 2 utilise l’arbre de dépendance de chaque phrase pour réaliser une segmentation en rhèse. Pour cela, un score est calculé pour chaque découpage possible en fonction de l’empan. Le score est défini en fonction des critères suivant : Type de dépendance segmentée ; Nombre de rhèses ; Équilibre dans les longueurs de rhèse ; Niveau du découpage dans l’arbre.
La pondération entre les critères est déterminée par un algorithme évolutif. Il est apparu que le type de dépendance était le critère principal.
Jusqu’à il y a peu de temps, le volume du corpus de textes fragmentés manuellement était bien trop faible pour envisager une approche basée uniquement sur les données. Les avancées réalisées en 2018 sur le mécanisme d’attention et le concept de transformer (Vaswani, et al., 2017) permettent maintenant de spécialiser un modèle appris avec un volume raisonnable d’exemples. Ce procédé, dit de « Transfer Learning » est utilisé depuis plusieurs années pour la reconnaissance d’image, mais son application au traitement automatisé du langage est très récente.
La librairie retenue est le modèle BERT de Google (Devlin, et al., 2018), publié en open source en Octobre 2018. Le jeu de données d’apprentissage est automatiquement généré à partir de Wikipedia. D’abord, environ 15% des mots sont masqués dans chaque phrases pour essayer de les prédire. D’autre part, BERT a appris à prédire si deux phrases sont consécutives ou pas.
Google a généré plusieurs modèles. Deux modèles ont été générés pour l’Anglais et le Chinois. Un autre modèle deux fois plus petit (énorme néanmoins) et multilingue a également été créé. Deux modèle deux fois plus grand ont également été testés pour pour l’Anglais et le Chinois.
La base de textes étant principalement en Français, c’est ce modèle « BERT-Base, Multilingual Cased » qui a été retenu. La perte en précision sur une tache de traduction est d’environ 3% par rapport à un modèle de même taille entrainé sur une seule langue (Devlin, 2018). La taille maximum des phrase (max_seq_length) est fixée à 48 et celle du mini-lot à 16. Le Learning Rate est 2e-5 et le nombre d’epochs est de 3.
Le fine-Tuning mis en œuvre a consisté à associé une phrase avec une de ses sous-partie, et de créer un label indiquant s’il s’agit d’une rhèse ou non. Nous disposions de 10 051 phrases représentant 53 478 rhèses, dont un tiers environ ont été exclues de l’apprentissage et réservées pour l’évaluation.
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